Un mal typiquement français : Le jeunisme en entreprise

Iris Apfel Jeunisme

Et dire qu’à une époque pas si lointaine, il était de bon goût de se vieillir en s’affublant de fausses lunettes ou de mettre un costume de rigueur… pour paraître plus crédible, plus sérieux tout simplement. 

Or aujourd’hui, nous sommes arrivés à une autre extrémité car passé un certain âge, allez je me lance, disons 45 ans, il est plus difficile de retrouver du travail dans des postes de commercial par exemple, surtout chez les femmes. C’est ce que l’on appelle le jeunisme.

Les personnes de 65 ans et plus représentent à ce jour plus de 20 % de la population, en 2040, ce sera un quart. 

Qui de mieux qu’Iris Apfel, tout juste centenaire, icône de la mode, femme d’affaires pour illustrer cet article ? Je remercie personnellement, l’illustratrice qui l’a brillamment esquissée : Florence Simonne

Alors qu’est-ce que le jeunisme ?

Le jeunisme est la discrimination par l’âge. Dans les faits, c’est la politique du remplacement d’employés très qualifiés par de jeunes diplômés.

Vous savez ces offres d’emplois qui ne recrutent que des “jeunes cadres dynamiques” ou encore un poste avec la mention “senior” qui n’en a que le nom car ce qu’ils recherchent c’est une personne avec à peine 5 ans d’expérience. 

Ce sujet me tient d’autant plus à coeur que je suis une femme en début de quarantaine qui comme mon entourage professionnel et personnel, a fait face à un moment de sa vie au jeunisme à tout prix. 

Le sentiment d’être une pièce hautement remplaçable est abject à un âge où l’on a accumulé assez d’expérience pour aller vite, efficacement, surpasser les objectifs fixés et encadrer des équipes. 

En France, il existe un véritable malaise face à l’âge en entreprise. Pourquoi ?

Contrairement aux Etats-Unis qui valorise les silvers, nous en France, nous avons ce postulat de dire qu’au dessus de tel âge les gens sont considérés : au mieux has been, au pire périmés, bons au placard ou la préretraite. Cela fait froid dans le dos. 

Il n’y a qu’à voir le traitement que l’on réserve à nos aînés dans les EHPAD, quelle hypocrisie, il faut attendre qu’un journaliste : Victor Castanet sorte un livre : “Les fossoyeurs” pour que l’on crie au scandale. On le sait tous mais personne ne dit rien, on laisse faire.  

Et je vais enfoncer le clou en disant que la discrimination par l’âge est plus prégnant chez les femmes que chez les hommes et que le sexisme vient s’ajouter au fardeau. 

Le jeunisme ou dit autrement l’âgisme sont des fléaux, car l’identité même de la personne, sa maturité est reniée. 

Le seul fait d’être jeune assure la valeur de l’individu. Car l’on sait tous ce que cela sous-tend : sa malléabilité à la culture d’entreprise, un plus faible salaire à générer, sa faible expérience professionnelle qui sera exploitable sans compter sa rapidité à assimiler les logiciels internes. 

Mais voilà, dans le monde du jeunisme à tout prix, la forme est plus importante que le fond. Avoir est plus important qu’être ou incarner. 

Il est plus intéressant de parler de séries Netflix ou de la dernière vidéo Tik Tok virale que de la dernière exposition de peinture ou de recette de cuisine. 

Comme le dit justement Régis Debray, philosophe : nous sommes passés d’une société de transmission à une société de communication immédiate, d’une culture du travail à une culture de loisir, d’un âge d’espérance à un âge d’impatience… 

Il est temps de changer de paradigme.

Comment enrayer ce phénomène ? 

Ce qui fait la richesse d’une entreprise, ce sont ses salariés et plus précisément : sa mixité en culture, en âge et en expérience

Malheureusement, si je prends le cas de la start-up nation, il est rare de voir des salariés au-dessus de 35 ans. Il va y avoir des exceptions peut-être en comptabilité ou en office management et encore…pas sûr.

Cela me fait l’effet d’une entreprise avec des baby boss aux commandes qui vendraient pères et mères pour une revente de leur start up à 7 chiffres.

Et si on accompagnait vraiment les late boomers dans l’apprentissage des outils numériques plutôt que de les laisser de côté comme des parias ? ou de les pointer du doigt ? voire pire de les insulter de mamy ou papy ? Une personne que j’accompagne en coaching en pleurs me raconte qu’on la traite de mamie au travail et devinez quoi : elle n’a que 50 ans, maman de jeunes enfants… 

Et pour continuer dans la même veine, on lui dit : “si tu n’as pas réussi ta vie à 30 ans, tu es un échec !!” 

Cette personne a le relationnel dans le sang, le goût du commercial et de la mode, bref elle a la tchache. C’est le principal, elle est douée pour ce qu’elle fait. Et pourtant, elle se sent nulle car elle doit utiliser des logiciels et se dévalorise par rapport à une infime tâche de son travail. 

Le mieux serait qu’on lui mette en place un soutien sur les outils numériques à utiliser et pas qu’on l’écarte de missions au profit de plus jeunes. Son super pouvoir à elle c’est la vente, pas l’utilisation de logiciels, on est d’accord ? CQFD.

Au secours… ce qui se vit et se dit au travail peut être terrible et vient saper durement notre estime de soi ainsi que notre intégrité.


Consultez mon article : Et si on se permettait d’être vulnérable ?


Nous avons tous à gagner de mélanger les âges, d’accepter les différences, et je m’adresse aux jeunes CEO et RH :  il s’agit de respect tout simplement, de vous respecter vous et aussi vos employés. Ne fermez pas les yeux, ne laissez surtout pas les choses s’envenimer, soyez présents, à l’écoute de ce qui se dit et recadrez directement à la moindre vanne douteuse.

Selon Ashton Applewhite, il existe 3 antidotes à mettre en place : la prise de conscience, l’inclusion et l’activisme pour lutter contre toute discrimination. 

« Le vieillissement n’est pas un problème à régler ou une maladie à guérir, c’est un processus de vie naturel et puissant qui nous unit tous. »

Ashton Applewhite

J’ai pu maintes fois observer qu’en entreprise, se rejouent les histoires de cours d’école avec des attitudes d’enfants ou d’ados couplées d’un phénomène de clans ou castes c’est selon. 

Il existe généralement un bouc émissaire qui se trouve être la risée de ses collègues et représente à leurs yeux un défouloir. 

Cette prise en grippe prend racine dans la différence : différence de points de vue, de culture ou d’âge ou de personnalité. 

Ces histoires peuvent aller très loin parfois car la personne qui subit cette situation vit 8 heures par jour en tension et en stress permanent. Quand enfin elle revient chez elle, cette dernière va continuer à revivre les mêmes scènes dans sa tête… 

Nous avons besoin de prise de conscience et de lucidité, arrêtons de colporter les stéréotypes qui divisent et restons ouverts à la différence qu’elle quelle soit.

La diversité créée la richesse, pas la loi du plus fort.  

A quand un plan massif de relance par le gouvernement pour les demandeurs d’emploi de plus 50 ans ? Les 50 ans et plus sont généralement plus stables, moins à l’affut d’opportunités professionnelles, ils sont également plus impliqués par la performance de l’entreprise.

Je peux me tromper mais je n’en ai pas entendu parler …

Pour aller plus loin : 

This chair rock par Ashton Applewhite  : https://thischairrocks.com/

Je vous invite à voir son TEDX : Mettons un terme à l’âgisme

Extrait vidéo de Robert Redeker : Un philosophe à l’assaut du jeunisme de la société

Le site « J’ai piscine avec Simone », le media à remous qui donne de la visibilité à la génération des femmes de 50 ans. 

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